Précisions sur les articles L. 600-2 et L. 600-5-1 du code de l’urbanisme

Précisions sur les articles L. 600-2 et L. 600-5-1 du code de l’urbanisme

CE, 14 décembre 2022, req. n° 448013

Cet arrêt apporte d’importantes précisions sur la mise en œuvre des articles L. 600-2 et L. 600-5 du code de l’urbanisme.

Tout d’abord, selon l’article L. 600-2 du code de l’urbanisme, lorsqu’un refus d’autorisation d’urbanisme est annulé par une décision juridictionnelle, le pétitionnaire, s’il ne souhaite pas que sa demande soit régie par les éventuelles nouvelles règles d’urbanismes approuvées entre temps, mais à celles qui étaient en vigueur à la date de la décision illégale de refus de permis de construire, doit confirmer sa demande auprès de l’administration.

Dans cet arrêt, le Conseil d’Etat vient préciser qu’une confirmation de la demande initiale qui dépasse « de simples ajustements ponctuels » ne peut être qualifiée comme telle, mais comme une nouvelle demande, qui doit être instruite sur le fondement des éventuelles nouvelles règles d’urbanismes en vigueur.

Ensuite, selon l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, le juge administratif, saisi d’une demande d’annulation d’une autorisation d’urbanisme qu’il considère comme étant illégal mais comme pouvant être régularisé, doit surseoir à statuer dans l’attente de sa régularisation. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé.

Dans cet arrêt, le Conseil d’Etat vient préciser que, en l’absence de demande de régularisation, le juge n’est pas tenu de motiver son refus de surseoir à statuer.

En d’autres termes, il convient de s’assurer, en cas de recours formé à l’encontre de son permis de construire, d’expressément le bénéfice de l’article L.600-5-1 en cas d’irrégularité du permis.

Extrait de l’arrêt :

 » 2. En premier lieu, aux termes de l’article L. 600-2 du code de l’urbanisme :  » Lorsqu’un refus opposé à une demande d’autorisation d’occuper ou d’utiliser le sol ou l’opposition à une déclaration de travaux régies par le présent code a fait l’objet d’une annulation juridictionnelle, la demande d’autorisation ou la déclaration confirmée par l’intéressé ne peut faire l’objet d’un nouveau refus ou être assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d’urbanisme intervenues postérieurement à la date d’intervention de la décision annulée sous réserve que l’annulation soit devenue définitive et que la confirmation de la demande ou de la déclaration soit effectuée dans les six mois suivant la notification de l’annulation au pétitionnaire « .

3. Ces dispositions, qui ont un caractère dérogatoire, sont d’interprétation stricte. En jugeant que la demande présentée par la société Eolarmor ne pouvait être considérée comme une confirmation de sa demande d’autorisation initiale au sens et pour l’application des dispositions de l’article L. 600-2 du code de l’urbanisme dès lors qu’elle impliquait une modification du projet dépassant de simples ajustements ponctuels, qu’il s’agissait par suite d’une demande portant sur un nouveau projet et qu’elle devait, dans ces conditions, être appréciée non au regard des règles d’urbanisme en vigueur à la date de la décision illégale de refus de permis de construire, mais au regard des règles du plan local d’urbanisme adopté en 2017, applicables à la date de cette nouvelle demande, la cour administrative d’appel de Nantes, qui a porté sur les pièces du dossier une appréciation dénuée de dénaturation, n’a pas entaché son arrêt d’erreur de droit.

4. En second lieu, aux termes de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme :  » Sans préjudice de la mise en œuvre de l’article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation, même après l’achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé « .

5. Il résulte de ces dispositions que lorsque le ou les vices affectant la légalité de l’autorisation d’urbanisme dont l’annulation est demandée sont susceptibles d’être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation. Il invite au préalable les parties à présenter leurs observations sur la possibilité de régulariser le ou les vices affectant la légalité de l’autorisation d’urbanisme. Un vice entachant le bien-fondé de l’autorisation d’urbanisme est susceptible d’être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l’économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d’urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n’implique pas d’apporter à ce projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même.

6. Pour annuler le permis litigieux, la cour administrative d’appel de Nantes a retenu les moyens tirés de ce que plusieurs balcons excédaient la largeur maximale fixée par l’article UC 1 du plan local d’urbanisme, que l’emprise de la construction méconnaissait la règle d’implantation par rapport aux voies publiques prévue par l’article UC 5, que la construction ne respectait pas les règles de prospect prévues par l’article UC 6, que l’emprise au sol était deux fois supérieure au coefficient maximal d’emprise au sol de 40 % fixé par l’article UC 8, que la hauteur était supérieure à la hauteur maximale prévue par l’article UC 9, que le projet ne comportait pas de local ou abri extérieur réservé au stationnement des cycles non motorisés, contrairement à ce que prévoit l’article UC 11, et comportait un nombre insuffisant de places de stationnement eu égard au nombre de logements et à la surface de plancher globale, et enfin que par sa situation, ses dimensions et son volume, le projet était de nature à porter significativement atteinte au caractère et à l’intérêt du site classé des Roches Blanches en méconnaissance des articles UC 2 et UC 10 du plan local d’urbanisme. En statuant ainsi sans faire usage de l’obligation qui pèse sur elle de surseoir à statuer lorsque le ou les vices affectant la légalité de l’autorisation d’urbanisme dont l’annulation est demandée sont susceptibles d’être régularisés, la cour a implicitement mais nécessairement estimé que l’un au moins des vices affectant la légalité du permis de construire était insusceptible d’être régularisé. La cour, qui n’était pas tenue de motiver son refus dès lors qu’elle n’était pas saisie d’une demande de régularisation, a ce faisant porté sur les pièces du dossier une appréciation dénuée de dénaturation et n’a pas entaché son arrêt d’erreur de droit ».