Selon l’arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 14 novembre 2023 (req. n° 475258), la mention du changement de destination ne constitue pas une condition de la régularité de l’affichage du permis de construire sur le terrain.
Cet arrêt constitue l’occasion de revenir sur les conditions d’affichage d’un permis de construire.
- L’affichage du permis de construire permet de déclencher le délai de recours à son encontre
Contrairement à certaines idées reçues, l’affichage du permis de construire ne constitue pas une condition de la légalité du permis de construire.
En revanche, il permet de déclencher le délai de recours des tiers, qui est de deux mois.
En effet, aux termes de l’article R. 600-2 du code de l’urbanisme :
« Le délai de recours contentieux à l’encontre d’une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d’un permis de construire, d’aménager ou de démolir court à l’égard des tiers à compter du premier jour d’une période continue de deux mois d’affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l’article R. 424-15 ».
Le délai de recours des tiers à l’encontre d’une autorisation d’urbanisme, qui est de deux mois, court donc à compter de l’affichage du panneau sur le terrain.
En d’autres termes, un tiers pourra former un recours à l’encontre d’un permis de construire, sans conditions de délai, s’il n’a pas été affiché sur le terrain d’assiette du projet[1].
Il est donc vivement conseillé aux bénéficiaires d’un permis de construire de procéder à son affichage dès la délivrance du permis de construire, ceci afin de déclencher au plus tôt le délai de recours des tiers.
De plus, il est conseillé de faire constater cet affichage à trois reprises, par un huissier, afin de pouvoir justifier, si besoin était, de la réalité de l’affichage du panneau sur le terrain.
2. Seul un affichage continu de deux mois permet de déclencher le délai de recours à son encontre
Comme le mentionne l’article R. 600-2 du code de l’urbanisme susmentionné, le délai de recours des tiers ne court qu’à compter d’un affichage continu du permis de construire, pendant une période de deux mois.
En d’autres termes, s’il est démontré que le panneau n’a pas été affiché de manière continue pendant une période de deux mois, il sera considéré que le délai de recours des tiers n’a pas commencé à courir.
Un recours pourrait alors être formé sans condition de délai à son encontre[2].
Ainsi, le juge administratif a déjà eu l’occasion de considérer que le fait qu’un panneau de permis de construire a été emporté par une rafale de vent a eu pour effet d’interrompre le délai de recours à son encontre.
Dans cette affaire, un tiers a donc pu légalement former un recours à l’encontre du permis de construire, alors-même qu’il avait été affiché il y a plus de deux mois[3].
Il est donc vivement conseillé aux bénéficiaires d’un permis de construire de régulièrement s’assurer que le panneau est bien attaché pour résister aux intempéries, et qu’il demeure en place, ceci afin de garantir que l’affichage a eu lieu pendant une période continue de deux mois.
A nouveau, l’établissement de constats d’huissiers permettront de justifier de la continuité de l’affichage pendant deux mois.
Idéalement, devront être établis un constat au premier, au trentième, et au soixantième jours de l’affichage.
3. Seul un affichage régulier du permis de construire sur le terrain permet de déclencher le délai de recours à son encontre
De plus, seul un affichage régulier du permis de construire sur le terrain permet de déclencher le délai de recours à son encontre.
En effet, pour être régulier, l’affichage doit impérativement respecter les conditions suivantes[4] :
- L’affichage doit impérativement être réalisé sur un panneau rectangulaire dont les dimensions sont supérieures à 80 centimètre
- L’affichage doit impérativement être visible et lisible depuis la voie publique ou des espaces ouverts au public
Un panneau d’affichage placé non pas au bord de la route, mais au fond d’une impasse bordée de deux maisons privées sur une voie privée non ouverte à la circulation publique et utilisée par un riverain, est considéré comme n’étant pas visible, et ne permet pas de déclencher le délai de recours[5].
De même, l’affichage d’un panneau à l’intérieur d’un lotissement, de sorte qu’il n’est pas visible depuis la voie publique, est irrégulier[6].
En revanche, il est possible d’afficher le panneau sur le parking d’un supermarché[7].
Concrètement, il est vivement conseillé de l’installer sur le terrain d’assiette du projet, à l’endroit où il sera le plus visible depuis la voie publique ou des espaces ouverts au public.
De plus, il est vivement conseillé de soigneusement remplir le panneau d’affichage à l’aide d’un marqueur, de sorte à garantir sa lisibilité.
- L’affichage doit impérativement comporter les mentions suivantes :
- le nom, la raison sociale ou la dénomination sociale du bénéficiaire,
- le nom de l’architecte auteur du projet architectural,
- la date de délivrance du permis de construire,
- le numéro du permis de construire,
- la nature du projet,
- la superficie du terrain,
- l’adresse de la mairie où le dossier peut être consulté,
- la mention des voies et délais de recours,
- les mentions relatives à l’obligation de notification des recours,
- si le projet prévoit des constructions, la surface de plancher autorisée ainsi que la hauteur de la ou des constructions, exprimée en mètres par rapport au sol naturel,
- si le projet porte sur un lotissement, le nombre maximum de lots prévus,
- si le projet porte sur un terrain de camping ou un parc résidentiel de loisirs, le nombre total d’emplacements et, s’il y a lieu, le nombre d’emplacements réservés à des habitations légères de loisirs,
- si le projet prévoit des démolitions, la surface du ou des bâtiments à démolir.
L’absence de l’une de ces mentions, ou une mention erronée, entache d’illégalité l’affichage du permis de construire.
Le juge administratif considère que ces dispositions ont pour objet de permettre aux tiers, à la seule lecture du panneau, d’apprécier l’importance et la consistance du projet, et que seule une absence ou erreur substantielle permet de considérer que l’affichage n’est pas légal[8].
Ainsi, le fait d’avoir mentionné sur le panneau que la hauteur du projet est de 6,52 mètres, au lieu de 7,27 mètres, que la superficie du plancher annoncée est de 75,55 m2 au lieu de 80 m2, ne constituent pas des manquements substantiels de nature à rendre l’affichage en cause insuffisant et à faire courir à l’égard des tiers le délai de recours contentieux[9].
En revanche, un panneau qui ne comporte que la date et le numéro du permis délivré par le permis de construire est considéré comme irrégulier, de sorte que le délai du recours n’a pas commencé à courir[10].
L’apport de l’arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 14 novembre 2023 est précieux, puisqu’il indique utilement que la mention du changement de destination ne constitue pas une condition de la régularité de l’affichage du permis de construire sur le terrain[11].
Dans cet arrêt, le requérant, dont la formation du recours était tardive, invoquait l’irrégularité de l’affichage, pour démontrer son absence de tardiveté.
Précisément, il soutenait que le panneau, en se contentant de mentionner que les travaux portaient sur un projet d’extension, sans mentionner qu’il portait également sur un changement de destination, était incomplet et n’avait pu faire courir le délai de recours.
Le Conseil d’Etat a censuré ce raisonnement, en considérant qu’aucune disposition n’impose à un panneau d’affichage de mentionner que le projet implique un changement de destination.
Il n’est donc pas nécessaire de mentionner le changement de destination d’une construction sur le panneau d’affichage du permis de construire.
De notre point de vue, qui peut le plus peut le moins.
Il ne sera donc pas inutile de mentionner l’ensemble des caractéristiques du projet autorisé, et ce, a minima, pour éviter tout débat sur la question de la recevabilité d’un éventuel recours.
En conclusion, un soin tout particulier doit être apporté à l’affichage du panneau de permis de construire, pour s’assurer qu’il a permis de déclencher le délai de recours de deux mois.
L’établissement de trois constats d’huissiers (au premier, au trentième et au soixantième jour de l’affichage), seront particulièrement utiles pour justifier de la réalité et de la régularité de cet affichage, en cas de recours.
[1] Il sera toutefois limité à un délai de six à compter de l’achèvement de la construction ou de l’aménagement (Art. R. 600-3 du code de l’urbanisme)
[2] Il sera toutefois limité à un délai de six à compter de l’achèvement de la construction ou de l’aménagement (Art. R. 600-3 du code de l’urbanisme)
[3] CAA Nancy, 22 mai 2014, req. n° 12NC01346
[4] Art. R. 424-15, A. 424-15, A. 424-16, A. 424-17 et A. 424-18 du code de l’urbanisme
[5] CE, 11 juillet 2013, req. n° 362977
[6] CE, 27 juillet 2015, req. n° 370846
[7] CE, 21 juin 2013, req. n° 360860
[8] CE, 25 février 2019, req. n° 416610
[9] CAA Versailles, 20 octobre 2016, req. n° 14VE01159
[10] CE, 22 avril 1992, req. n° 91436
[11] CE, 14 novembre 2023, req. n° 475258